MONTRÉAL, le 3 août 2020 – «Puis envers l’école, ben… En fait ce que je trouve, c’est que des fois dans la vie, c’est que quand on n’aime pas quelque chose, c’est quand on l’a plus, qu’on se rend compte qu’on
aime ça…»
Cet extrait d’un témoignage d’un garçon de 10 ans pour le moins philosophique est l’une des perles repêchées par la Pre Miriam Beauchamp, chercheuse au CHU Sainte-Justine et professeure au Département de psychologie de l’Université de Montréal et la doctorante Danaë Larivière-Bastien, dans le cadre d’une étude qu’elles mènent afin de documenter les conséquences de la pandémie sur le développement social des enfants.
Écouter les enfants parler dans leurs mots
Depuis le mois de mai, 64 enfants de 5 à 14 ans se prêtent au jeu de répondre à une quinzaine de questions posées par les chercheuses, à l’occasion d’entrevues à distance portant sur la vie quotidienne et leurs interactions sociales.
De même, leurs parents ont répondu à des questionnaires afin d’avoir un portrait global de la situation familiale et des interactions au sein de
la maisonnée.
«Issus de différents quartiers du Grand Montréal et des environs, nos jeunes participants ne fréquentaient pas l’école au moment des entrevues et ils avaient beaucoup de temps à nous consacrer, commente Miriam Beauchamp. Nous voulions entendre ce qu’ils avaient à dire, dans leurs mots, et ils ont été très généreux!»
L’importance de l’amitié et des liens familiaux
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Les résultats préliminaires de l’étude ont été analysés et ont permis d’extraire quatre grands thèmes à partir des propos des enfants, soit l’amitié, les autres relations sociales, l’effet de l’école sur la socialisation et les limites des relations virtuelles.
«Les enfants ont indiqué que la pandémie leur a fait prendre conscience de l’importance de l’amitié et de la proximité physique avec leurs amis, explique Danaë Larivière-Bastien. Ils ne s’en rendaient pas compte avant.»
Cet extrait de témoignage d’une adolescente de 13 ans en donne d’ailleurs un aperçu : «Donc, c’est important de se voir en personne, parce que c’est pas le même contact qu’on a, dépendant de la manière dont on se parle. Euh, ben c’est plus… on est vraiment très, on se fait tout le temps des câlins, puis on se saute dessus… Donc, c’est vraiment le contact physique, qui est pas la même chose.»
Les enfants ont aussi été appelés à réfléchir à leurs relations avec leurs parents et leurs frères et sœurs ainsi qu’avec la famille éloignée. «Ils ont tous évoqué avoir pris conscience de l’importance de la proximité physique dans leurs relations, poursuit la doctorante en neuropsychologie. Ce qui leur manque le plus, ce sont les câlins, même chez les préadolescents!»
Ils ont aussi apprécié le fait d’être soustraits de la routine quotidienne qui prévalait avant le confinement : «Euh… ben… j’aime euh… parce qu’on passe plus de temps avec mes parents. D’habitude je vais tout le temps à l’école, c’est… puis on dit “go, go, go, vite, vite”, là tout le temps! Pis c’est ça…», de lancer une fillette de 9 ans.
«J’ai été agréablement surprise de constater que les enfants évoquent d’eux- mêmes le fait d’avoir aimé passer plus de temps avec leurs parents, enchaîne Miriam Beauchamp. C’est touchant que ça vienne d’eux et ça nous rappelle l’importance de ce temps en famille même lorsque nos horaires sont
bien remplis!»
L’effet de l’école sur leur socialisation est un autre élément qui est ressorti des témoignages des participants. « Une fois de plus, ils se sont rendu compte à quel point ils s’ennuient d’aller à l’école, mais pas nécessairement pour l’aspect académique : le contact avec les autres élèves, les jeux et leurs relations avec les professeurs et éducateurs qui leur permettent de développer des habiletés sociales leur manquent beaucoup », ajoutent celles qui dirigent l’étude en collaboration avec la Pre Catherine Herba, du Département de psychologie de l’UQAM.
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Enfin, si les enfants ont dit apprécier les possibilités de socialisation virtuelle que leur offrent les différents outils technologiques, ils en constatent aussi les limites. Ils réalisent qu’ils ne peuvent pas jouer ni rire autant avec leurs amis, et ils insistent sur le fait qu’ils s’ennuient de faire des câlins.
Optimiser le développement social
L’ensemble des données issues des témoignages et des réponses aux questionnaires feront l’objet d’une analyse plus poussée qui tiendra notamment compte des groupes d’âge des enfants, de leur fratrie et de la santé mentale des parents.
«Les informations recueillies lors de ces entretiens seront utiles pour garder une trace des conséquences de la crise, et fourniront également des lieux d’intervention potentiels en mettant en évidence les priorités et les pièges importants associés à l’isolement social des enfants et des adolescents», conclut Miriam Beauchamp.